Fumer ne déstresse pas, au contraire
Dernière mise à jour : 21 mars 2021
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Des neurobiologistes ont montré, chez les souris, que la nicotine augmente la réaction du cerveau au stress, en l’absence de toute sensation de manque. Il est probable que les mécanismes en jeu soient semblables chez l’homme.
Par Bénédicte Salthun-Lassalle dans cerveauetpsycho.fr

Les fumeurs en sont persuadés : griller une cigarette déstresse, c'est un moment de détente et de repos. Pourtant, la plupart des fumeurs sont stressés ! Certes, le manque de nicotine provoque du stress, jusqu’à la prochaine cigarette. Mais les effets du tabac seraient encore plus insidieux : c’est la nicotine elle-même qui rendrait en fait les fumeurs plus sensibles au stress. C'est ce que viennent de montrer les équipes de Philippe Faure et de Jacques Barik, du Laboratoire Neurosciences Paris-Seine et de l’université de Nice Sophia Antipolis.
Du moins chez les souris soumises à un stress social, c’est-à-dire aux attaques répétées de leurs congénères plus forts et plus agressifs. Après ce genre de confrontations, les victimes manifestent des signes d’anxiété et évitent tout contact avec un autre rongeur inconnu, même non agressif (alors que les souris non stressées interagissent beaucoup avec ce nouveau congénère).
Les chercheurs ont donc « stressé » des souris et enregistré, grâce à des électrodes implantées dans leur cerveau, l’activité des neurones dopaminergiques de l’aire tegmentale ventrale. Cette dernière appartient au circuit de la récompense qui est mis en jeu quand on obtient une gratification ou que l’on prend du plaisir – ce que le fumeur ressent quand il inhale une bouffée. En parallèle, Philippe Faure et ses collègues ont inhibé avec un antagoniste pharmacologique les récepteurs nicotiniques des souris, sur lesquels se fixe normalement la nicotine, ou les ont activés en faisant boire aux rongeurs une solution à base de nicotine.
Les résultats sont inattendus. Les souris dont on inhibe les récepteurs nicotiniques ne sont plus stressées face à un congénère inconnu, même si elles ont subi des attaques pendant 10 jours. En revanche, celles ayant bu de la nicotine le sont davantage que les souris témoins : après une seule attaque, elles développent un stress social. Et dans leur cerveau, on constate une augmentation de l’activité dopaminergique dans l’aire tegmentale ventrale. D’ailleurs, les chercheurs ont aussi montré que stimuler un certain type de récepteurs nicotiniques dans l'aire tegmentale ventrale suffit à engendrer un stress social chez les souris après une seule agression.
C’est la preuve que les récepteurs nicotiniques interviennent dans la réaction au stress et surtout que la nicotine augmente le stress, indépendamment de toute sensation de manque, en amplifiant l’activité du système de la récompense et du plaisir. Faire passer son stress en fumant une cigarette est donc probablement une idée reçue.