Éducation bienveillante : choisir les mots justes pour s’adresser aux enfants
Dernière mise à jour : 21 mars 2021
Par Fabrice Renault dans mieux-vivre-autrement.com

Les parents reproduisent souvent ce qu’ils ont vécu dans leur enfance. Nous développons alors sans nous en apercevoir, des automatismes pas toujours bénéfiques pour nos enfants. Il en va ainsi, notamment pour le langage, les expressions ou les mots employés pour nous adresser aux enfants. On ne soupçonne cependant pas l’impact qu’ont les mots provenant de la bouche d’un parent aimé. Pour en prendre conscience il est bon de s’arrêter pour questionner notre vocabulaire, contrôler nos réactions afin d’éviter de créer des dégâts pouvant se révéler irréversibles.

Éducation bienveillante : choisir les mots justes pour s’adresser aux enfants
Loin de nous, l’envie d’être blessant, et pourtant… Dans l’instant, emporté par la situation : la phrase est lâchée. Combien d’entre nous se surprennent à utiliser des expressions qui n’ont finalement pas beaucoup de sens, ou dont l’impact éducatif s’avère négatif quand on y regarde de plus prêt ?
Ne pleure pas
Une phrase souvent utilisée, cependant, les pleurs expriment un besoin. Souhaite-t-on réellement que notre enfant n’exprime pas ses besoins, non bien sûr. D’ailleurs, un enfant en crise n’a besoin que d’être contenu, calmé et sécurisé.
Utilisez donc le contact physique en le serrant contre votre cœur pour l’apaiser et aidez-le à gérer ses émotions. S’il est en âge de le faire, encouragez-le à poser des mots sur ce qu’il ressent. Cela atténue l’effet de son « petit malheur » et permet de renforcer la relation parent/enfant.
On a raté le bus par ta faute
La culpabilité n’est certainement pas la meilleure solution pour faire comprendre quelque chose à son enfant. Honnêtement, ce retard est probablement la conséquence d’un enchaînement de choses et d’un manque d’anticipation de notre part avant tout. Inutile alors de culpabiliser son enfant. S’organiser différemment suffit à contrer cette situation. Le mot juste serait de le féliciter, à chaque fois que vous étiez à l’heure pour prendre ce bus.
Valoriser le positif est bien plus productif. Combien de fois n’avez-vous pas raté le bus, finalement : bien plus de fois que vous ne l’avez manqué. Cependant, nous avons tendance à ne réagir qu’aux situations qui nous incommodent. Loin de nous l’envie d’être blessant, et pourtant… alors respirons un grand coup, et exprimons nous avec le cœur plutôt qu’avec notre mental.
Calme-toi, arrête de bouger
Nous-même, en tant qu’adulte, avons parfois du mal à rester assis le temps d’une réunion. Pour les enfants, c’est encore plus vrai. Ils ont un besoin de bouger insatiable. On peut essayer de canaliser cette énergie en jouant avec, c’est rarement le cas, ce temps de partage par le jeu est pourtant capital. On peut aussi leur attribuer un objectif qui les occupera.
De toute façon, leur demander de se calmer est souvent improductif et n’a pour conséquence que celle de nous énerver davantage.
Tu es comme ton père
Un enfant travaille à devenir lui-même et veut être reconnu comme tel. Il n’est ni comme vous, ni comme sa sœur, ni comme son père. Respectez son identité et ses choix. Ne lui posez pas cette étiquette à laquelle il risque de s’assimiler. Laissez-le libre de devenir un être particulier, libre d’exprimer son potentiel et ses différences, en dehors de toute considération de ressemblance avec un autre.
Ton copain arrive à faire ses lacets lui
Tant mieux pour le copain. Mais, d’une part, ce copain n’est pas votre enfant, à priori, l’intérêt que vous pouvez porter au fait qu’il soit « capable » de faire certaines choses ou pas devrait déjà vous poser question. Car sachez que la question risque de se poser pour votre enfant. Il peut finir par ne pas comprendre pourquoi votre attention se porte ainsi sur les autres.
Valorisez ses efforts plutôt et montrez-lui les bonnes méthodes jusqu’à ce qu’il se les approprie. Ne comparez pas.
Quand un danger immédiat se présente: un » NON » est souvent lancé en réaction.

Si votre enfant s’apprête à traverser la rue sans vous, ou sans avoir regardé avant ; il est évident que vous devez le stopper immédiatement. C’est d’ailleurs le mot approprié : « STOP« . Le mot est bref et suffisamment rarement utilisé pour déclencher la réaction espérée.
Puis mettez-vous à son niveau et expliquez-lui les dangers de ce qu’il s’apprêtait à faire en associant cet acte à un autre dont il connait la dangerosité. Vous pouvez vous servir de ses jouets pour simuler la scène et montrer ce que cela aurait pu provoquer et ce que vous auriez ressenti.
Le « NON » lancé soudainement instaure la peur et peut créer de la confusion du fait de son emploi fréquent dans bien d’autres contextes. Si bien qu’il peut ne pas avoir l’effet recherché. Compte tenu de la dangerosité du moment, mieux vaut employer les termes efficaces afin de ne pas créer d’ambiguïté.
Je vais te donner une bonne raison de pleurer… tu veux que j’appelle ton père
Les menaces physiques ou orales n’ont aucune efficacité dans l’éducation d’un enfant. Elles ne lui permettent pas de changer son comportement. Ces réactions sont à bannir d’urgence des habitudes si elles existent. La menace instaure un cadre de dominé à dominant, celui d’un rapport de force qui s’avère contre-productif.
D’autre part, vouloir associer le père à ce moment n’aide personne dans le temps. Cela implique que le père est la seule autorité, ce qui n’est pas sécurisant pour votre enfant et plutôt réducteur pour ce papa à qui on octroie ce rôle qui ne lui appartient pas exclusivement.
Fais-ceci… ne fais pas ça
Quand il obéit à un ordre, votre enfant s’exécute sans que son cerveau frontal ne soit sollicité. Au contraire, quand vous le faites réfléchir et lui laisser le choix ; il va mobiliser son cerveau frontal, celui qui permet de décider, penser, anticiper, prévoir et par conséquent de devenir responsable.
Demandez-lui plutôt pourquoi il fait telle chose ou comment il compte s’y prendre pour faire telle autre chose. Vous pourrez ainsi facilement le guider sans lui intimer d’ordre. S’il le faut vous pouvez faire une association entre une situation donnée et une autre connue et assimilée. Mais bien souvent, si vous lui en donnez l’occasion, votre enfant fera cette association avant, de lui même.
Ne mange pas ce bonbon… Ne va pas dans l’eau
Ce message ne peut pas être reçu correctement pas un enfant. Son cerveau n’assimile pas la négation, il va imager ce qui est concret, palpable : le bonbon. Si bien que dans son esprit, ce qu’il va rester de votre injonction est l’image de ce bonbon qui risque bien de devenir… irrésistible. Pour le bonbon ça passe encore, pour l’eau c’est déjà plus embêtant si le message enregistré par l’enfant va à l’inverse du message que vous avez formulé.
Faites cette petite expérience pour vous en convaincre : je vous demande de ne pas penser à cette grasse matinée dont vous avez tant besoin… Alors, à quoi pensez-vous ?
Pour contourner ce petit jeu de l’esprit, il suffit de donner des consignes formulées par l’affirmative. Dites lui ce qu’il peut faire et non ce qu’il ne peut pas faire. « Tu mangeras ce bonbon plus tard » a plus de chance de fonctionner.
Enfin dépêche-toi !
Attention au ton de voix employé. Il peut être plus anxiogène que les mots eux-mêmes. Or, le stress a tendance à bloquer ou à faire perdre la maîtrise de ses gestes et de ses pensées à un enfant. Prenez-en conscience à priori, de façon à faire le choix des mots justes et d’y mettre la forme nécessaire, au moment où les situations se présentent.
Si vous souhaitez éviter un retard, vous pouvez amener un peu de bonne humeur sous la forme d’un petit jeu. « Le premier qui a refait son lit a gagné » par exemple, peut permettre de gagner les cinq minutes qu’il manquait pour arriver à l’heure à l’école.
Tu es très fort … Comme tu es intelligent …
Une profusion de compliments sans réelle raison finit par les banaliser. A terme, ils n’auront plus pour effet de motiver l’enfant. Il est nécessaire d’identifier et d’encourager ce qui relève d’un réel effort. Le féliciter de s’être jeté à l’eau à la piscine alors qu’il avait peur, est un bel encouragement. On maintient ainsi le compliment dans son rôle motivant pour l’enfant.
De la même façon, il est préférable de s’attarder sur les actes et les réalisations plutôt que sur la personne. Votre enfant sera heureux s’il développe le goût de l’effort. Il risque par contre de rencontrer quelques soucis plus tard, s’il intègre l’information qu’il est le meilleur, le plus beau, etc…
Bon courage
Vous le déposez à l’école ou ailleurs, ne partez sur ces mots angoissants. Ce « bon courage » implique qu’il en faudra pour affronter des situations rendues difficiles par avance dans vos paroles, sans le vouloir. Préférez lui un « amuse-toi bien » bien plus optimiste.
Laisse-moi tranquille … Va voir ton père… Tu peux pas aller jouer avec ta soeur
Un enfant a besoin d’attention et d’amour. Si ce besoin n’est pas comblé, il va tenter de le réclamer à sa manière d’une façon ou d’une autre. Si vous n’êtes pas disponible dans l’instant, dites-le lui et expliquez lui quand cela sera possible, puis tenez cet engagement. C’est de cette confiance qu’il a en vous, que dépend sa capacité à reporter sa demande et l’acceptation qu’elle soit satisfaite ultérieurement.
Restez cependant attentif aux signes d’urgence. N’hésitez pas à lui accorder votre attention tout de suite si vous sentez que c’est nécessaire. Un enfant refoulé sans cesse dans ses demandes d’attention risque de ne plus s’exprimer.
Tu m’en veux ?… Tu ne m’aimes pas ?… Tu aimes plus ta mère que moi ?
Votre enfant vous aime, soyez en assuré. Mais il ne sait pas toujours comment l’exprimer avec justesse. Alors, pas de mauvaise interprétation, ni d’accusation intempestive. Votre enfant ne vous veut pas de mal. C’est une aberration et cela va le faire se sentir mal dans sa peau. Il peut penser « je suis méchant, maman a peur de moi », c’est une forme d’exclusion très douloureuse.
Quant à l’amour, aimez inconditionnellement sans douter de l’amour de votre enfant. Ecoutez votre cœur.
Sois sage
Plusieurs confusions peuvent être créées par ce « sois sage ». Il faut savoir qu’un enfant va comprendre « sois sage sinon… », comme une menace. Vos paroles remettent en cause l’amour inconditionnel car l’enfant croit que s’il n’est pas sage : on ne l’aimera plus.
D’autre part, le terme sage est une étiquette. Laissons nos enfants devenir qui ils sont, une fois encore : arrêtons de vouloir leur attribuer des rôles. Certains enfants plus fougueux que d’autres, embrassent ensuite une carrière professionnelle hors norme et mènent une vie trépidente.
Car être sage n’est certainement pas un objectif de vie. Tout au plus, ce « sois sage » exprime-t-il un besoin de calme pour un parent excédé. On demande donc à notre enfant de considérer notre fatigue et d’adapter son comportement aux conséquences de notre vie stressante. Pour cela il devrait parvenir à canaliser la fougue qui caractérise l’enfance… une aberration.
Faisons des choix d’adultes, celui d’une vie moins stressante. Nos enfants n’ont pas à payer le prix que nous, parents, devons assumer du fait des choix de vie que nous réalisons.
tu vas tomber… tu vois, je te l’avais dit !
Nous avons tendance à exprimer tout haut nos angoisses et nos projections négatives. Or, le fait de les formuler ainsi va avoir des conséquences dramatiques. L’enfant risque de tomber effectivement. Car il aura imaginé cette issue juste en vous entendant prononcer ces mots de mise en garde. Ensuite, son cerveau va le conduire vers ce but.
Appliquez vous à communiquer ce que vous souhaitez plutôt que ce que vous ne voulez pas. Transmettez aussi cette compétence avec votre enfant. N’employez pas d’images négatives qui lui feront perdre ses moyens et diminueront ses chances de succès.
Ayez confiance, laissez-le faire son expérience. Tout au plus, parlez-lui des difficultés ou des dangers qu’il risque de rencontrer, sans les dramatiser. La chute : votre enfant la craint bien moins que vous. Ne lui transmettez pas votre angoisse a priori.
L’autre conséquence de telles mises en gardes, ou prédictions négatives, est que l’enfant peut finir par douter de lui, de ses capacités. Il peut alors considérer son environnement comme une source de nombreux dangers, ce qui pourrait perturber jusque son développement intellectuel et physique.
Enfin, quand la chute arrive n’enfoncez pas le clou davantage. Le « tu vois, je te l’avais dit! » aura peut-être un effet d’autosatisfaction sur vous-même, mais n’aidera en rien votre enfant. « C’est bien, relève-toi tu es courageux » l’aidera certainement plus.
Il faut que… Tu dois…
Ces expression évoquent une contrainte, lesquelles ne sont pas motivantes. Remplacez-les par « j’aimerais » ou encore « je te demande » ou « j’ai besoin » et encouragez l’effort et l’intention. De même que si votre enfant dit « il faut que je fasse mes devoirs », programmez avec lui une activité plaisante après les devoirs. Valorisez-le sur ses capacités en lui rappelant ses réussites passées.
Tu m’énerves !
Cette expression couramment utilisée n’est pas correcte. Elle culpabilise l’enfant en le rendant responsable de notre émotion, et du moment désagréable vécu à cet instant. En réalité, personne ne peut nous énerver excepté nous-même. La colère est une réponse personnelle qui intervient quand nous considérons un besoin insatisfait.
Une attitude plus juste et constructive consiste à lui expliquer cette colère est la vôtre et d’en accepter la responsabilité.
Bien sûr, cette liste d’expressions néfastes n’est pas exhaustive. Rassurez-vous : trouver la parole juste en toute occasion n’est certainement pas facile, voire impossible. Cependant, il est parfaitement envisageable de gommer les mauvais réflexes, un par un, quand ils sont identifiés. Alors : écoutons nous parler avant même de demander aux enfants de nous écouter, au risque de leur dire des choses blessantes et contre-productives sans le vouloir.